
Le tissage
Au tout début, les fils, le plaisir du toucher de la matière, animale, végétale. Laine, soie, lin, coton, chanvre, cachemire, alpaga, mohair… Puis l'émerveillement devant les étoffes tissées, le travail des tisserands traditionnels du Togo, du Ghana ou du Mali.
De retour en France après plusieurs vies à l’étranger, découverte des métiers à tisser artisanaux séculaires lors d’une exposition de tapisseries à Avallon. Métiers au bois patiné par le travail des artisans qui se sont penchés sur eux.
C’est ainsi que s’est installée doucement cette passion pour le tissage, renouvelée chaque jour, pour chaque nouveau projet, chaque tombée de métier.
Pour des tissages uniques, dans des matières nobles, durables, naturelles.

Le métier à tisser
Compagnon de route solide et fiable du tisserand et de la tisserande, le métier à tisser se laisse manipuler sans rechigner. On peut le prendre à bras le corps, sans crainte. Il est le complice de chaque effort. Rien de tel que son armature de bois poli pour apaiser dans les moments d’inquiétude qui ne manquent pas de surgir, brièvement, au cours d'un tissage.

L'ourdissage
Concevoir un tissage, créer une pièce, c’est avant tout s’imprégner des fils, de leur matière, leur brillance, leurs teintes. Par goût, tous mes tissages sont uniquement en fibres naturelles, végétales ou animales. Par éthique aussi, notre peau, notre environnement méritent le meilleur.
Vient ensuite le mariage de ces fils. Cette phase importante vise autant à les mettre en valeur individuellement qu’à exalter leurs entrecroisements dans la structure particulière qui les unira. Réflexions, hésitations, documentation, cette étape nécessite beaucoup de recherches, entérinées par de multiples brouillons, griffonnés, coloriés, informatisés, suivis par autant d’échantillons qui permettront de valider (ou non) les options. La densité devra être revue, affinée pour atteindre la souplesse attendue quant à l'usage projeté du tissage.
C’est après cette longue période de préparation, de tâtonnements, d'essais - étapes inhérentes à toute création - que commence le temps de la réalisation proprement dite dont la première phase est l’ourdissage.
Ourdir des fils est une opération préparatoire au tissage. Elle consiste à juxtaposer chaque fil composant la chaîne dans l’ordre déterminé par les variations des couleurs de celle-ci. La chaîne ainsi préparée s’enroulera autour de l’ensouple-arrière, avant la phase d’enlissage.

L'enlissage
Les fils sont enfilés, un à un, selon la structure, le dessin choisi, dans l'oeil des lisses portées par les cadres. Exercice particulièrement minutieux où l'on avance par petits groupes de fils, en vérifiant sans relâche le bon respect du dessin de l'enlissage.
A titre d'exemple, un linge de vaisselle peut nécessiter une chaîne de 15 fils par cm, soit, pour 40 cm de large, 600 fils....

Empeignage, attachage
S’ensuit la phase d’empeignage, c’est-à-dire la répartition des fils à travers le peigne, sur la largeur du tissage. Cette étape de répartition est essentielle pour l’uniformité de la densité du tissage. Elle ne tolère aucune approximation ou même inversion de fils, au risque de devoir la reprendre intégralement !
L’attachage est la dernière phase préparatoire avant le tissage. Elle consiste à attacher à l’ensouple-avant tous les fils en faisceaux, en s'assurant que chaque groupe, chaque fil de chaque groupe, a bien la même tension que son voisin... Une erreur de tension et le fil casse, ou se relâche !

Le tissage
Et enfin, la phase du tissage proprement dit !
Après quelques essais pour s'assurer que toutes les étapes précédentes ont été effectuées correctement, le tissage peut débuter !
Moment de bonheur où la navette, qui porte le fil de trame, s’élance d’un bout à l’autre de la chaîne, de manière régulière, avec la même force. Après le passage de la navette, c’est au tour du battant de tasser ce fil, selon la densité choisie, pour qu’il prenne sa place dans l’architecture du tissu. Pour un parfait équilibre, il sera parfois même nécessaire de vérifier à l'équerre que l'entrecroisement des fils respecte bien le bon angle !!
Lancer après lancer, duite après duite, centimètre par centimètre, le tissage se révèle, lentement.
Pour notre même linge de vaisselle pris en exemple plus haut, il ne faudra pas moins de 1200 lancers de navette pour atteindre les 80 cm de hauteur exigés... Au total, la réalisation de ce linge unique, de 0,40 m x 0,80 m, nécessitera pas moins de 1,3 km de fil.... Et plus de 15 h de tissage parfois selon la nature du fil, la complexité du motif, la variété des couleurs ou tout cela ensemble... Et pour un seul linge... C'est ainsi que le temps de travail, pour une création et une réalisation uniques, peut excéder plusieurs dizaines d'heures.
Il reste que renouer avec les techniques et les gestes anciens à travers le tissage est si gratifiant et apaisant qu’il constitue pour moi un espace de quiétude, un havre de sérénité où je retrouve la mesure de chaque mouvement, pour ne pas me laisser dominer par l'impatience qui n'a aucune place dans ce travail.

La "tombée de métier"...
Puis vient la "tombée de métier",
Tombée de métier, belle expression pour ce moment de grâce où l'ouvrage se découvre entièrement, lorsqu'on le déroule de l’ensouple-avant. Ce n'est encore qu'un tissage et pourtant, son devenir de tissu se laisse déjà deviner. Après les finitions - ourlets, franges torsadées en fins faisceaux, lavage et séchage respectueux du fil, repassage -, l'ouvrage est achevé.
Porteur du savoir-faire traditionnel, ce tissage est un objet unique, à nul autre pareil et sans comparaison possible avec un tissu industriel, fût-il de très bonne qualité. Objet de toutes les attentions, unique, beau et durable, cet ouvrage vous accompagnera de nombreuses années..